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sur la rue triste ; derrière les grilles de fer, des treillages discrets en lattes de frêne, sur lesquels des artistes d’autrefois avaient peint des arbres et des oiseaux. Toutes les fenêtres de Stamboul sont peintes et fermées de cette manière.

Dans les villes d’Occident, la vie du dedans se devine au-dehors ; les passants, par l’ouverture des rideaux, découvrent des têtes humaines, jeunes ou vieilles, laides ou gracieuses.

Le regard ne plonge jamais dans une demeure turque. Si la porte s’ouvre pour laisser passer un visiteur, elle s’entrebâille seulement ; quelqu’un est derrière, qui la referme aussitôt. L’intérieur ne se devine jamais.

Cette grande maison là-bas, peinte en rouge sombre, c’est celle d’Aziyadé. La porte est surmontée d’un soleil, d’une étoile et d’un croissant ; le tout en planches vermoulues. Les peintures qui ornent les treillages des shaknisirs représentent des tulipes bleues mêlées à des papillons jaunes. Pas un mouvement n’indique qu’un être vivant l’habite ; on ne sait jamais si, des fenêtres d’une maison turque, quelqu’un vous regarde ou ne vous regarde pas.