nous avons autrefois passé de longues heures. Par-ci, par-là, des groupes de musulmans, éparpillés sur l’immense place, fument en causant, et goûtent avec nonchalance les charmes d’une soirée de printemps.
Le ciel est redevenu calme et sans nuages ; j’aime ce lieu, j’aime cette vie d’Orient, j’ai peine à me figurer qu’elle est finie et que je vais partir.
Je regarde ce vieux portique noir, là-bas, et cette rue déserte qui s’enfonce dans un bas-fond sombre. C’est là qu’elle habite, et, en m’avançant de quelques pas, je verrais encore sa demeure.
Achmet a suivi mon regard et m’examine avec inquiétude : il a deviné ce que je pense, et compris ce que je veux faire.
— Ah ! dit-il, Loti, aie pitié d’elle si tu l’aimes ! Tu lui as dit adieu ; à présent, laisse-la !
Mais j’avais résolu de la voir, et j’étais sans force contre moi-même.
Achmet plaida avec larmes la cause de la raison, la cause même du simple bon sens : Abeddin était là, le vieil Abeddin, son maître, et toute tentative pour la voir devenait insensée.
— D’ailleurs, disait-il, si même elle sortait, tu