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Foundoucli est encore un coin de la vieille Turquie, qui semble détaché du fond de Stamboul : petite place dallée, au bord de la mer, antique mosquée à croissant d’or, entourée de tombes de derviches, et de sombres retraites d’oulémas.

L’orage est passé et le temps est radieux ; on n’entend que le bruit lointain des chiens errants qui jappent dans le silence du soir.

Huit heures sonnent à bord du Deerhound, l’heure à laquelle je dois rentrer. Un coup de sifflet m’annonce qu’un canot du bord va venir ici me prendre. Le voilà qui se détache de la masse noire du navire, et qui lentement s’approche de nous. C’est l’heure triste, l’heure inexorable des adieux !

J’embrasse ses lèvres et ses mains. Ses mains tremblent légèrement ; cela à part, elle est aussi calme que moi-même, et sa chair est glacée.

Le canot est rendu : elle et Achmet se retirent dans un angle obscur de la mosquée ; je pars, et je les perds de vue !

Un instant après, j’entends le roulement rapide de la voiture qui emporte pour toujours ma bien-aimée !… bruit aussi sinistre que celui de la terre qui roule sur une tombe chérie.