douleur ; il était malade de chagrin. Il ne comprenait pas, le pauvre Samuel, qu’il y avait un abîme entre son affection à lui, si tourmentée, et l’affection limpide et fraternelle de Mihran-Achmet ; que lui, Samuel, était une plante de serre chaude, impossible à transplanter là-bas, sous mon toit paisible.
L’arabahdji nous mène grand train, au grand trot de ses chevaux. Samuel est enveloppé comme un pacha dans mon manteau de fourrure, que je lui abandonne ; sa belle tête est pâle et triste ; il regarde en silence défiler les quartiers de Stamboul, les places immenses et désertes où poussent l’herbe et la mousse, les minarets gigantesques, les vieilles mosquées décrépites, blanches sur le ciel gris, les vieux monuments avec leur cachet d’antiquité et de délabrement, qui s’en vont en ruine comme l’islamisme.
Stamboul est désolé et mort sous ce dernier vent d’hiver ; les muezzins chantent la prière de trois heures ; c’est l’heure du départ.
Je l’aimais bien pourtant, mon pauvre Samuel ; je lui dis, comme on dit aux enfants, que, pour lui aussi, je dois revenir, et que j’irai le voir à Salo-