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irions encore dormir dans la même fosse, et que la même terre nous reprendrait, pour que nos cendres fussent mêlées éternellement. Et tout cela est passé, effacé, balayé !… Je suis bien jeune encore, et je ne m’en souviens plus.

S’il y a une éternité, avec laquelle irai-je revivre ailleurs ? Sera-ce avec elle, petite Aziyadé, ou bien avec toi ?

Qui pourrait bien démêler, dans ces extases inexpliquées, dans ces ivresses dévorantes, qui pourrait bien démêler ce qui vient des sens, de ce qui vient du cœur ? Est-ce l’effort suprême de l’âme vers le ciel, ou la puissance aveugle de la nature, qui veut se recréer et revivre ? Perpétuelle question, que tous ceux qui ont vécu se sont posée, tellement que c’est divaguer que de se la poser encore.

Nous croyons presque à l’union immatérielle et sans fin, parce que nous nous aimons. Mais combien de milliers d’êtres qui y ont cru, depuis des milliers d’années que les générations passent, combien qui se sont aimés et qui, tout illuminés d’espoir, se sont endormis confiants, au mirage trompeur de la mort ! Hélas ! dans vingt ans, dans dix ans peut-être, où serons-nous, pauvre Aziyadé ?