Page:Loti - Aziyadé.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je les vois encore tous, tout ce monde, quinze ou vingt personnes, gravement assis sur mes tapis ; mon propriétaire, les notables, les voisins, les juges, la police et les derviches ; l’orchestre faisant vacarme ; et Achmet versant à pleins bords du mastic et du café.

Il s’agissait de me justifier de l’accusation d’incendiaire ou d’enchanteur ; d’aller en prison ou de payer grosse amende pour avoir failli brûler Eyoub ; enfin, d’indemniser mon propriétaire et de réparer à mes frais.

Il ne faut guère compter que sur soi-même en Turquie, mais en général on réussit tout ce que l’on ose entreprendre et l’aplomb est toujours un moyen de succès. Toute la soirée, je tranchai du grand seigneur, je payai d’impertinence et d’audace ; Achmet versait toujours et embrouillait à dessein les intérêts et les questions, magnifique dans son rôle ; — l’orchestre faisait rage, et, au bout de deux heures, la situation atteignait son paroxysme : mes hôtes ne se comprenaient plus et se disputaient entre eux, j’étais hors de cause.

— Allons, Loti, dit Achmet, les voilà tous à point et c’est mon œuvre. Tu ne trouverais pas