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abusé de toutes les choses de la vie, et ne lui apportait qu’un cœur blasé, en quête de quelque nouveauté originale ; elle s’était dit qu’il devait faire bon être aimée ainsi, — et tout doucement elle avait glissé sur la pente qui devait l’amener dans les bras du giaour.

On ne lui avait appris aucun principe de morale qui pût la mettre en garde contre elle-même, — et peu à peu elle s’était laissée aller au charme de ce premier poème d’amour chanté pour elle, au charme terrible de ce danger. Elle avait donné sa main d’abord, à travers les grilles du yali du chemin de Monastir ; et puis son bras, et puis ses lèvres, jusqu’au soir où elle avait ouvert tout à fait sa fenêtre, et puis était descendue dans son jardin comme Marguerite, — comme Marguerite dont elle avait la jeunesse et la fraîche candeur.

Comme l’âme de Marguerite, son âme était pure et vierge, bien que son corps d’enfant, acheté par un vieillard, ne le fût déjà plus.