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C’était une parabole ayant pour but de me prouver que, si d’autres femmes aimées autrefois avaient pu m’oublier ; que, si des amis m’avaient trompé et abandonné, c’était une erreur de juger par eux toutes les femmes et tous les hommes ; qu’elle, Aziyadé, n’était pas comme les autres, et ne pourrait jamais m’oublier ; que Achmet lui-même m’aimerait certainement toujours.

— Donc, Loti, donc, reste avec nous…

Et puis elle songeait à l’avenir, à cet avenir inconnu et sombre qui fascinait sa pensée.

La vieillesse, — chose très lointaine, qu’elle ne se représentait pas bien… Mais pourquoi ne pas vieillir, ensemble et s’aimer encore ; — s’aimer éternellement dans la vie, et après la vie.

Sen kodja, disait-elle (tu seras vieux) ; ben kodja (je serai vieille)…

Cette dernière phrase était à peine articulée, et, suivant son habitude, plutôt mimée que parlée. Pour dire : « Je serai vieille », elle cassait sa voix jeune, et, pendant quelques secondes, elle se ramassait sur elle-même comme une petite vieille, courbant son corps si plein de jeunesse ardente et fraîche.