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dire à Aziyadé que j’implorais mon pardon, et que je désirais le soir même sa chère présence.

J’expédiai en même temps dans la campagne trois enfants chargés de me rapporter des branches de verdure, et des gerbes, de pleins paniers de narcisses et de jonquilles. Je voulais que la vieille maison prît ce jour-là pour son retour un aspect inaccoutumé de joie et de fête.

Quand Aziyadé entra le soir, du seuil de la porte à l’entrée de notre chambre, elle trouva un tapis de fleurs ; les jonquilles détachées de leurs tiges couvraient le sol d’une épaisse couche odorante ; on était enivré de ce parfum suave, et les marches sur lesquelles elle avait pleuré ne se voyaient plus.

Aucune réflexion ni aucun reproche ne sortit de sa bouche rose, elle sourit seulement en regardant ces fleurs ; elle était bien assez intelligente pour saisir d’un seul coup tout ce qu’elles lui disaient de ma part dans leur silencieux langage, et ses yeux cernés par les larmes rayonnaient d’une joie profonde. Elle marchait sur ces fleurs, calme et fière comme une petite reine reprenant possession de son royaume perdu, ou comme Apsâra circulant dans le paradis fleuri des divinités indoues.