préjugé ; la morale était devenue l’intérêt bien entendu, la société un vaste champ d’exploitation pour l’homme habile. Tout cela séduisait beaucoup de gens par sa nouveauté et par la sanction qu’en recevaient les actes les plus immoraux. Heureuse époque où aucun frein ne vous retenait ; où l’on pouvait tout faire ; l’on pouvait rire de tout, même des choses les moins drôles, jusqu’au moment où tant de têtes tombèrent sous le couteau de la Révolution, que ceux qui conservèrent la leur commencèrent à réfléchir. Ensuite vint une époque de transition, où l’on vit apparaître une génération atteinte de phtisie morale, affligée de sensiblerie constitutionnelle, regrettant le passé qu’elle ne connaissait pas, maudissant le présent qu’elle ne comprenait pas, doutant de l’avenir qu’elle ne devinait pas. Une génération de romantiques, une génération de petits jeunes gens passant leur vie à rire, à pleurer, à prier, à blasphémer, modulant sur tous les tons leur insipide complainte pour en venir un beau jour à se faire sauter la cervelle.
Aujourd’hui, mon ami, on est beaucoup plus raisonnable, beaucoup plus pratique : on se hâte, avant d’être devenu un homme, de devenir une