Si j’ai l’air parfois de dogmatiser, c’est que j’ai la prétention, moi qui ai souffert beaucoup, d’en savoir plus que ceux qui ont moins souffert que moi, et de parler mieux qu’ils ne le pourraient faire en connaissance de cause.
Pour moi, il n’y a pas d’espoir en ce monde et je n’ai pas cette consolation de ceux qu’une foi ardente rend forts au milieu des luttes de la vie, et confiants dans la justice suprême du créateur.
Et, pourtant, je vis sans blasphémer.
Ai-je pu, au milieu de froissements continuels, conserver les illusions, l’enthousiasme et la fraîcheur morale de la jeunesse ? Non, vous le savez bien ; j’ai renoncé aux plaisirs de mon âge, qui ne sont déjà plus de mon goût, j’ai perdu l’aspect et les allures d’un jeune homme, et je vis désormais sans but comme sans espoir… Est-ce à dire pourtant que j’en sois réduit au même point que vous, dégoûté de tout, niant tout ce qui est bon, niant la vertu, niant l’amitié, niant tout ce qui peut nous rendre supérieurs à la brute ? Entendons-nous, mon ami ; sur ces points, je pense tout autrement que vous. J’avoue que, malgré mon expérience des choses de ce monde (puissiez-vous n’en jamais ac-