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commets toutes les extravagances possibles : je me livre à huis clos aux actes les plus insensés, après quoi, soulagé ou plutôt fatigué, je me calme et deviens raisonnable.

Vous allez me répéter encore que je suis un drôle de type ; un fou, que sais-je ? à quoi je répondrai : « Oui mais bien moins que vous ne croyez. Bien moins que vous, par exemple. »

Avant de porter un jugement sur moi, encore faudrait-il me connaître, me comprendre un peu et savoir quelles circonstances ont pu faire d’un individu, né raisonnable, le drôle de type que je suis. Nous sommes, voyez-vous, le produit de deux facteurs qui sont nos dispositions héréditaires, ou l’enjeu que nous apportons en paraissant sur la scène de la vie, et les circonstances qui nous modifient et nous façonnent, comme une matière plastique qui prend et garde les empreintes de tout ce qui l’a touchée. — Les circonstances, pour moi, n’ont été que douloureuses ; j’ai été, pour me servir de l’expression consacrée, formé à l’école du malheur : — tout ce que je sais, je l’ai appris à mes dépens ; aussi je le sais bien ; c’est pourquoi je l’exprime parfois d’une manière un peu tranchante.