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Le ciel clair, balayé par un vent qu’on ne sentait pas, était traversé par deux bandes de nuages noirs, au-dessus desquels la lune était venue plaquer son croissant bleuâtre. C’était un de ces aspects à part que semble prendre la nature dans ces moments où va se consommer quelque grand événement de l’histoire des peuples.

Un grand bruit se fit entendre, bruit de pas et de voix humaines ; une bande de softas entrait par les portiques du centre, portant des lanternes et des bannières ; ils criaient : « Vive le sultan ! vive Midhat-pacha ! vive la constitution ! vive la guerre ! » Ces hommes étaient comme enivrés de se croire libres ; et, seuls, quelques vieux Turcs qui se souvenaient du passé haussaient les épaules en regardant courir ces foules exaltées.

— Allons saluer Midhat-pacha, s’écrièrent les softas.

Et ils prirent à gauche, par de petites rues solitaires, pour se rendre à l’habitation modeste de ce grand vizir, alors si puissant, qui devait, quelques semaines après, partir pour l’exil.

Au nombre d’environ deux mille, les softas s’en allèrent ensemble prier dans la grande mosquée