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toi, Loti ; je regarde ton portrait ; je touche tes cheveux, ou je m’amuse avec divers petits objets à toi, que j’emporte d’ici pour me faire société là-bas.

Posséder les cheveux et le portrait de quelqu’un était pour Aziyadé une chose tout à fait singulière, à laquelle elle n’eût jamais songé sans moi ; c’était une chose contraire à ses idées musulmanes, une innovation de giaour, à laquelle elle trouvait un charme mêlé d’une certaine frayeur.

Il avait fallu qu’elle m’aimât bien pour me permettre de prendre de ses cheveux à elle ; la pensée qu’elle pouvait subitement mourir, avant qu’ils fussent repoussés, et paraître dans un autre monde avec une grosse mèche coupée tout ras par un infidèle, cette pensée la faisait frémir.

— Mais, lui dis-je encore, avant mon arrivée en Turquie, que faisais-tu, Aziyadé ?

— Dans ce temps-là, Loti, j’étais presque une petite fille. Quand pour la première fois je t’ai vu, il n’y avait pas dix lunes que j’étais dans le harem d’Abeddin, et je ne m’ennuyais pas encore. Je me tenais dans mon appartement, assise sur mon divan, à fumer des cigarettes, ou du hachisch,