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navire ; mais, le travail fini, il sauta à terre et il s’assit, presque couché, sur ce quai en ruine qui allait lui être familier bientôt. Avec une volupté infiniment triste, il assistait, sous ce costume si humble qui était devenu le sien, à l’accomplissement de son rêve d’enfance ; il regardait ce ciel tout doré et cette ville dont l’immobilité morte s’enveloppait d’or ; l’Orient se révélait à lui, plus oriental et plus lointain qu’il ne l’avait imaginé, dans l’ensemble des choses ou dans leurs mille détails, — surtout dans le mystère de ces grands murs farouches enfermant la vie si impénétrablement…

Et tandis qu’il était là seul, une jeune fille parut, — grecque ou syrienne non voilée, — en qui tout à coup cet orient se personnifia pour lui. Extrêmement jeune, avec des yeux lourds, d’un noir intense, et des cheveux au henné, d’une ardente couleur pas naturelle. Un peu indécise dans sa marche, ayant aperçu le matelot étendu à terre, elle biaisa vers le navire, prit le bord des vieilles dalles du quai, pour passer plus près. Ses longs yeux