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pourtant si décemment tenue… Mais ça, non… C’était trop, ça dépassait tout ce qu’il avait imaginé de possible : n’avoir plus rien ; le vieux domaine et le logis, vendus à des étrangers, — et sa mère travaillant pour vivre !

Par degrés, tandis que le grand-père parlait de sa voix vieillie, ces choses cruelles avaient pénétré dans son âme, si souvent inattentive et fuyante, et l’avaient déchirée cette fois jusqu’au fond… Alors il se jeta dans leurs bras, pleurant à chaudes larmes comme les enfants pleurent, pris d’un immense besoin de les embrasser et de les consoler, — de leur demander protection aussi, protection et conseil devant le désastre.

Mais sa mère ne pleurait pas ; elle le gardait serré contre elle-même, pour le moment oubliant tout et ne demandant rien de plus que de le tenir là. Le malentendu, la barrière froide qui, depuis tantôt deux mois, les séparait, n’existait plus, et le reste s’effaçait entièrement devant cette