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plus en plus entrecoupée, avait un chevrotement de vieillesse que Jean ne connaissait pas encore et qui lui faisait mal à entendre. Et quand il eut fini sa dernière phrase : « Dieu veuille, mon fils, Dieu veuille que je vive jusqu’au jour où tu pourras gagner ta vie… et celle de ta mère… Car, l’idée de la voir travailler… m’est affreusement pénible, vois-tu… » quand il eut fini, de petits mouvements saccadés agitèrent ses épaules, sous le drap usé de sa pauvre redingote du dimanche, et ses yeux de quatre-vingts ans grimacèrent la détresse infinie…

Alors, tout le calme éteint de cette soirée, silence absolu ou bruit affaibli et traînant de voix de vieillard, fut déchiré par un brusque sanglot, violent, juvénile, exubérant de douleur et de pitié. Jean pleurait, la poitrine secouée, les joues ruisselantes de toutes les larmes qui, depuis des jours, s’étaient amassées en lui-même sans qu’il en eut conscience.

Oh ! il avait bien déjà soupçonné l’humiliation du pauvre vieux grand-père, déjà deviné la gêne croissante de la maison