Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/235

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pour la santé et pour le sourire, il gardait jusqu’à la fin son enfantillage, qui avait été son charme — et son malheur aussi. Il était pourtant, à certaines heures, un de ces voyants d’abîme auxquels le néant découvre des aspects plus effroyables… Mais c’est en enfant, avec des étonnements, des incrédulités, des révoltes, qu’il allait recevoir la grande Mort, souhaitant surtout d’être bercé par sa mère. Il avait d’ineffables élans vers elle, et de si tendres et bons remords, pour l’avoir un peu oubliée, pour l’avoir un peu fait souffrir, aux heures exubérantes de sa vie… Oh ! les douces lettres de larmes qu’il s’imaginait lui écrire… L’après, l’au-delà, il n’y croyait guère, devenu matelot sous ce rapport comme sous tant d’autres : ils sont rarement des athées, les matelots ; ils prient, ils font des vœux à la Vierge et aux Saintes, mais, par une puérile inconséquence, ils ne croient presque jamais à la persistance de leur âme propre. — Et lui aussi priait, confusément, et ses prières, informulées mais ardentes, demandaient seulement de n’être pas abandonné dans