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où l’Alisé austral soufflait avec sa plus exquise douceur.

Fatigué d’une bonne fatigue musculaire, bercé très doucement par le roulis comme un enfant qu’on endort, Jean était à demi couché sur le pont, à la lueur naissante des étoiles, au milieu de l’entassement des flâneurs en vareuse blanche, qui venaient, les uns après les autres, s’asseoir ou s’étendre, par petits groupes bien serrés, pour passer la belle veillée ensemble. Et, dans ce calme d’avant le sommeil, ses pensées à lui s’assombrissaient encore un peu, comme d’habitude, dans des préoccupations d’examen et d’avenir.

À sa droite, il avait ses deux camarades préférés, Le Marec, quartier-maître de manœuvre, et Joal, fusilier breveté, l’un et l’autre des Côtes-du-Nord, et entourés en ce moment d’un groupe de pays tout jeunes, qui les écoutaient causer avec respect.

À sa gauche, un cénacle de Basques, gens à part, qui de temps en temps parlaient entre eux une incompréhensible langue millénaire.