Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même poussière, nous essayons de nous défendre par les grands rêves, par les espérances et les prières sublimes, ou bien encore par l’amour d’un foyer d’enfance, d’une maison habitée longtemps, par le respect de pauvres petits objets quelconques associés à notre irrévocable passé. L’attachement à des lieux et à des choses, qui dérive de l’effroi de finir, est la forme la plus puérile des cultes humains, — à moins qu’il n’en soit une forme incrédule, amère et déçue, à laquelle on revient quand on a sondé le vide noir où chancelait tout le reste…

Jean et sa mère avaient depuis le matin souhaité le beau temps, pour pouvoir passer ensemble à leur fenêtre cette soirée d’adieu : il partait demain, lui, pour une campagne de dix mois.

Et on eût dit qu’ils avaient commandé ce crépuscule rare, limpide et chaud, qui donnait des illusions d’être ailleurs, d’être là-bas plus près du midi rayonnant. Pas un souffle, pas un nuage, et vraiment c’en était presque trop ; pour eux, un tel resplendissement d’été ajoutait plutôt à la