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J. LOTH

servé l’accentuation que l’on suppose au vieil-irlandais. Or, certaines dégradations vocaliques sur lesquelles mon collègue de l’University College de Galway, O’Maille, a attiré mon attention prouvent que là aussi (c’est son opinion) antérieurement, l’accent principal a été sur la longue : Munster : scədā́n (scadàn), hareng ; Connaught : scə́dān ou sgə́dān. Il est de toute évidence que l’accent s’est reporté de la terminaison sur la première syllabe, après que la voyelle de cette syllabe avait été réduite par suite de l’atonie. Comme la voyelle longue n’est nullement abrégée, il paraît certain que l’accent sur la première syllabe est un accent de hauteur. Un fait analogue s’est produit en vieux-gallois : le pluriel de llwch, étang (vieux-breton luh pour luch) est en vieux-gallois lichou avec accent évidemment sur ‑ou. En moyen-gallois, au moins à l’époque la plus ancienne, la diphtongue était conservée, mais i était accentué : llýcheu, (löĉęy) ce qui prouve qu’à cette époque, l’accent de la première syllabe était surtout un accent de hauteur. En gallois-moderne, ‑eu (au) est réduit à a̦ ou , mais cette voyelle, d’après des expériences faites au laboratoire de phonétique du Collège de France, est plus longue souvent que la voyelle dite accentuée de la syllabe qui la précède.

Dans ces conditions, on est en droit de se demander si l’accentuation sur la longue n’est pas très ancienne et si l’accentuation du Munster, loin d’être une innovation, ne représente pas l’ancien état de chose, et ne remonte pas à une certaine époque du vieil irlandais, où toutes les longues simples avaient déjà été réduites. L’état de la voyelle de la syllabe initiale dans les mots à voyelle longue finale, en vieil-irlandais, ne paraît pas en faveur de cette hypothèse, mais il ne faut pas oublier que l’initiale jouit souvent d’un accent secondaire.

Il serait nécessaire d’étudier à fond l’accent dans les différents dialectes gaëliques, aussi bien dans les composés que dans les mots simples. Il n’est pas impossible que ces études amènent à des résultats inattendus ou tout au moins de nature à éclairer