Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée
44
LES MABINOGION

le démon à qui appartient cette cour vint, tua tous nos maris, et enleva nos chevaux, nos habits, notre or et notre argent. Les corps de nos maris sont ici, ainsi que beaucoup d’autres cadavres. Voilà, seigneur, la cause de notre tristesse. Nous regrettons bien que tu sois venu ici, de peur qu’il ne t’arrive malheur ». Owein prit pitié d’elles et sortit. Il vit venir à lui un chevalier qui l’accueillit avec autant de courtoisie et d’affection qu’un frère : c’était le Noir Oppresseur. « Dieu sait », dit Owein, « que ce n’est pas pour chercher bon accueil de toi que je suis venu ici ». — « Dieu sait que tu ne l’obtiendras pas non plus ». Et, sur-le-champ, ils fondirent l’un sur l’autre, et se maltraitèrent rudement. Owein se rendit maître de lui et lui attacha les deux mains derrière le dos. Le Noir Oppresseur lui demanda merci en disant : « Seigneur Owein, il était prédit que tu viendrais ici pour me soumettre. Tu es venu, et tu l’as fait. J’ai été en ces lieux un spoliateur, et ma maison a été une maison de dépouilles ; donne-moi la vie, et je deviendrai hospitalier, et ma maison sera un hospice (1) pour faible et fort, tant que je vivrai, pour le salut de ton âme. » Owein accepta. Il y passa la nuit, et, le lendemain, il emmena avec lui les vingt-quatre femmes avec leurs

(1) Plusieurs lieux en Galles portent le nom de Spytty ou Ispytty, dont le premier terme vient de hospitium : ces hospices étaient des espèces d’hôtels tenus en général par des moines, et placés dans des lieux écartés des villes à l’intention des voyageurs.