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OWEN ET LUNET OU LA DAME DE LA FONTAINE

il ne lui eût pas enlevé l’âme du corps ; on n’y peut plus rien, c’est une chose faite. » — « Retournez chez vous, » dit la dame, « et je prendrai conseil. » Elle fit convoquer tous ses vassaux pour le lendemain et leur signifia que le comté était vacant, en faisant remarquer qu’on ne pouvait le maintenir que par chevalerie, armes et vaillance. « Je vous donne à choisir : ou l’un de vous me prendra, ou vous me permettrez de choisir un mari d’ailleurs qui puisse défendre l’État. » Ils décidèrent de lui permettre de choisir un mari en dehors du pays. Alors elle appela les évêques et les archevêques à la cour pour célébrer son mariage avec Owein (1). Les hommes du comté prêtèrent hommage à Owein. Owein garda la fontaine avec lance et épée, voici comme : tout chevalier qui y venait, il le renversait et le vendait pour toute sa valeur. Le produit, il le partageait entre ses barons et ses chevaliers

(1) C’est là un trait qui n’est pas gallois. Les lois galloises ne font jamais mention de la bénédiction religieuse pour le mariage. D’ailleurs, comme le fait remarquer le savant jurisconsulte allemand Ferd. Walter, d’après le droit canonique, même au moyen âge, la bénédiction n’était pas nécessaire à la validité du mariage. C’est dans les lois concernant le mariage que le droit gallois a le plus échappé à l’influence romaine et à l’influence de l’Église (Ferd. Walter, Das alte Wales, p. 409). Quant au mariage de la Dame de la Fontaine avec le meurtrier de son mari, comme le fait remarquer lady Guest, il n’a rien de bien extraordinaire à cette époque. C’était, d’après Sainte-Palaye, un moyen très facile et fort ordinaire de faire fortune pour un chevalier que d’épouser une dame dans cette situation (I, 267, 326).