Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/23

Cette page n’a pas encore été corrigée
22
LES MABINOGION

« Que signifient ces cris maintenant ? » dit Owein, — « Le seigneur, maître du château, vient de mourir, » répondit la pucelle. Un peu après le jour retentirent des cris et des lamentations d’une violence inexprimable. Owein demanda à la jeune fille ce que signifiaient ces cris. « On porte, » dit-elle, « le corps du seigneur, maître du château, au cimetière. » Owein se leva, s’habilla, ouvrit la fenêtre, et regarda du côté du château. Il ne vit ni commencement ni fin aux troupes qui remplissait les rues, toutes complètement armées ; il y avait aussi beaucoup de femmes à pied et à cheval, et tous les gens d’église de la cité étaient là chantant. Il semblait à Owein que le ciel résonnait sous la violence des cris, du son des trompettes, et des chants des hommes d’église. Au milieu de la foule était la bière, recouverte d’un drap de toile blanche, portée par des hommes dont le moindre était un baron puissant (1). Owein n’avait jamais vu assurément une

(1) Il y a dans l’Yvain de Chrestien (éd Förster, p. 47-48) un trait saisissant qui manque dans notre récit. La foule s’assemble dans la salle autour de la bière : le sang jaillit des plaies du mort, clair et vermeil, ce qui prouvait, d’après l’auteur, que le meurtrier était présent. Cette croyance ce manifeste encore dans le poème néerlandais de Morien intercalé dans le Lancelot Hollandais publié par Jouckbloet. Morien arrive au château du père du chevalier qu’il vient de tuer. Le cadavre est dans la salle : dès qu’il paraît, le sang coule des plaies et annonce sa présence. Comme l’a fait remarquer Gaston Paris qui a fait ce rapprochement (Histoire littéraire de la France. xxx, p. 249), c’était une croyance fort répandue en France et ailleurs au moyen âge. Il est à noter