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OWEN ET LUNET OU LA DAME DE LA FONTAINE

chère, et je pus causer à mon gré avec les hommes et les femmes. Personne ne fit la moindre allusion à mon expédition à la fontaine. Je n’en soufflai mot non plus à personne. J’y passai la nuit. En me levant, le lendemain matin, je trouvai un palefroi brun foncé, à la crinière toute rouge, aussi rouge que la pourpre (1), complètement équipé. Après avoir revêtu mon armure, je leur laissai ma bénédiction et je revins à ma cour. Le cheval, je l’ai toujours ; il est à l’étable là-bas, et par Dieu et moi, Kei, je ne le donnerais pas encore pour le meilleur palefroi de l’île de Bretagne. Dieu sait que personne n’a jamais avoué pour son compte une aventure moins heureuse que celle-là. Et cependant, ce qui me semble le plus extraordinaire, C’est que je n’ai jamais ouï parler de personne ni avant ni après qui sût la moindre chose au sujet de cette aventure, en dehors de ce que je viens de raconter ; et aussi que l’objet de cette aventure se trouve dans les États de l’empereur Arthur sans que personne arrive dessus. — « Hommes, » dit Owein, ne serait-il pas bien de chercher à tomber sur cet endroit-là ? » — « Par la main de mon ami, » dit Kei, « ce n’est pas la première fois que ta langue propose ce que ton bras ne ferait pas. » — « En vérité, » s’écria Gwenhwyvar, « mieux vau-

1. D’après Richards, Welsh dict., le cenn est une sorte de mousse en usage pour colorer en rouge. Je traduis par pourpre d’après les gloses d’Oxford : O ceen gl. murice.