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grande que de chasser une meute qui a tué un cerf et d’appeler la sienne à la curée ! c’est bien là un manque de courtoisie ; et, quand même je ne me vengerais pas de toi, par moi et Dieu, je te ferai mauvaise réputation pour la valeur de plus de cent cerfs. » ― « Si je t’ai fait tort, je rachèterai ton amitié. » ― « De quelle manière ? » ― « Ce sera selon ta dignité[1] ; je ne sais qui tu es. » ― « Je suis couronné dans mon pays d’origine. » ― « Seigneur, bon jour à toi ! Et de quel pays es-tu ? » ― « D’Annwvyn[2] ; je suis Arawn[3], roi d’Annwvyn. » ― « De quelle façon, seigneur, obtiendrai-je ton amitié ? » ― « Voici : il y a quelqu’un dont les domaines sont juste en face des miens et qui me fait continuellement la guerre ; c’est Hafgan roi d’Annwvyn. Si tu me débarrasses de ce fléau, et tu le pourras facilement, tu obtiendras sans peine mon amitié. » ― « Je le ferai volontiers. Indique-moi comment j’y arriverai. » ― « Voici comment. Je vais lier avec toi confraternité intime[4] ; je te

  1. C’est là un trait bien gallois ; la réparation pour dommage offense, meurtre était tarifée dans les. lois, suivant le rang de l’intéressé.
  2. Annwvyn, ou Annwvn, ou Annwn, proprement un abîme, et souvent la région des morts, l’enfer (Kulhwch et Olwen, trad. franç. ; cf. Silvan Evans, Welsh dictionary). D’après lady Guest, on parle encore, en Galles, des chiens d’Annwvn ; on les entend passer, aboyant dans l’air, à la poursuite d’une proie.
  3. Arawn. Ce personnage figure à la bataille mythologique de Cat Goddeu. Il y est battu par Amaethon, fils de Don (v. Kulhwch et Olwen, trad., note).
  4. Le terme de compagnonnage serait plus exact, dans le sens qu’on lui attribuait assez souvent au moyen âge. Les compagnons étaient des chevaliers qui faisaient entre eux une association tant pour l’attaque que pour la défense de leurs personnes.