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tien a voulu lui faire sa cour. C’est aussi pour cette raison qu’il fait couronner Erec à Nantes, le transportant brusquement en Bretagne, sans même lui faire passer la mer, tandis que dans le roman en prose, Erec est couronné à Londres par l’archevêque de Cantorbire (Cantorbery). L’épisode du couronnement n’existe pas dans Gereint et a sûrement été ajouté à l’original. Les noms du portier et de ses étranges serviteurs dans Gereint se retrouvent tous dans Kulhwch, et ce n’est pas trop s’avancer que d’en conclure que le rédacteur gallois de Gereint connaissait le roman de Kulhwch.

Les sources de Chrétien sont sûrement anglo-normandes. De bonne heure, dès la seconde moitié du xie siècle, en Galles, et, immédiatement après la conquête, en Cornwall, les Français se sont trouvés en contact avec les populations celtiques de l’île. Quand leurs conteurs vinrent à connaître les traditions brittoniques, ils s’intéressèrent naturellement surtout aux récits héroïques et merveilleux, à ceux qui mettaient en scène un vaillant guerrier triomphant de monstres et accomplissant de merveilleuses quêtes[1], faisant la cour à de belles

  1. On a prétendu que la conception de la chevalerie errante était étrangère aux Celtes. Alfred Nutt a fait remarquer à plusieurs reprises et établi que l’esprit de la chevalerie errante était au contraire dominant dans la littérature de l’ancienne Irlande et entretenu par des institutions tout à fait analogues — dans leur essence, à celles de la chevalerie du moyen-âge. Esprit et institution florissaient sûrement chez les anciens Brittons aussi bien que chez les Irlandais.