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LES MABINOGION

hors de la bouche, dont les yeux étaient tout rouges et empoisonnés. Le chevalier s’avança, tenant à la main une grosse lance à la hampe de frêne, au fer tout fraîchement ensanglanté, dont les chevilles étaient d’argent, et salua l’empereur. « Seigneur, » lui dit-il, « c’en est fait : tes pages et tes petits serviteurs, les fils des nobles de l’île de Bretagne sont tués ; c’est au point qu’il ne sera plus facile désormais de défendre cette île. » — « Owein, » dit Arthur, « arrête tes corbeaux (1). » — « Joue, seigneur, » répondit-il, « ce jeu-ci. » Ils terminèrent la partie et en commencèrent une autre.

Vers la fin de la partie, tout à coup ils entendirent un grand tumulte, les cris de détresse des gens armés, les croassements et les battements d’ailes des corbeaux en l’air, et le bruit qu’ils faisaient en laissant retomber sur le sol les armures entières et les hommes et les chevaux en morceaux. Aussitôt ils virent accourir un chevalier monté sur un cheval

(1) Une allusion est faite aux corbeaux d’Owein à la fin du roman d’Owein et Lunet. Les corbeaux d’Owein sont souvent mentionnés par les poëtes, notamment par Bleddyu, poëte du nn’siècle (Myu. arch., p. 252, col. 1). Kynddelw, au xiie siècle (Myv. arch., 174.2) y fait aussi allusion. Branhes ou la troupe des corbeaux est souvent associée à Bryneich (Bernicie) ; c’est peut-être un rapprochement amené par l’allitération (Myv. arch.. p. 237, col. 1 ; 246, col. 2 ; 252, col. 2 ; 281, col. 2 ; 291, col. 1). Llewis Glyn Cothi en parle en termes très clairs : « Owein ab Urien a frappé les trois tours dans le vieux Cattraeth ; Arthur a craint, comme la flamme, Owein, ses corbeaux et sa lance aux couleurs variées » (p. 140, v. 49). Sur les corbeaux dans la mythologie celtique, voir Revue Celtique, I, p. 32-57.