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LE SONGE DE RONABWY

hampe jaune tachetée, au fer nouvellement aiguisé, surmontée d’un étendard bien en vue. Il se dirigea d’un air irrité, furieux, d’un pas précipité, vers l’endroit où Arthur et Owein jouaient, penchés sur leurs échecs. On voyait bien qu’il était irrité. Il salua cependant Owein et lui dit que les principaux de ses corbeaux avaient été tués, et que les autres avaient été si blessés et si maltraités, que pas un seul ne pouvait soulever ses ailes de terre de plus d’une brasse. « Seigneur, » dit Owein, « arrête tes gens. » — « Joue, si tu veux », répondit Arthur. Alors Owein dit au page : « Va vite, élève l’étendard au plus fort de la mêlée, et advienne ce que Dieu voudra. »

Le jeune homme se rendit aussitôt à l’endroit où les corbeaux subissaient l’attaque la plus rude et dressa en l’air l’étendard. Dès que l’étendard fut dressé, ils s’élevèrent en l’air irrités, pleins d’ardeur et d’enthousiasme, pour laisser le vent déployer leurs ailes et se remettre de leurs fatigues. Quand ils eurent retrouvé leur valeur naturelle et leur supériorité, ils s’abattirent d’un même élan furieux sur les hommes qui venaient de leur causer colère, douleur et pertes. Aux uns ils arrachaient la tête, aux autres les yeux, à d’autre les oreilles, à certains les bras, et les enlevaient avec eux en l’air. L’air était tout bouleversé et par le battement d’ailes, les croassements des corbeaux exultant, et d’un autre côté par les cris de douleur des hommes qu’ils mordaient, estropiaient ou tuaient. Le tumulte