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distinguent les chevaliers de la Table Ronde. C’est une assemblée incohérente de personnages disparates, d’êtres fantastiques et surnaturels, pris de droite et de gauche dans des traditions de toute espèce, et groupés artificiellement autour du héros national devenu surtout un personnage de féerie.

C’est là ce qui constitue l’originalité propre de ce roman et lui donne une place intermédiaire entre le Mabinogi et les romans français. Tous les cycles sont mis à contribution et mêlés au profit d’Arthur. Aucun personnage historique du xiie siècle n’y apparaît, ce qui n’est pas le cas, comme nous l’avons vu, pour le Songe de Ronabwy. Le roman est sûrement antérieur (je l’ai prouvé plus haut) aux romans français. Il est évident que si l’auteur les avait connus, il n’eût pas hésité à introduire à la cour d’Arthur, les Sagremor, les Calogrenant, etc. Sa géographie est purement galloise et aussi précise et détaillée que celle des romans gallois d’origine ou d’adaptation française l’est peu. Kei n’a rien du Keu de ces romans ; c’est toujours le guerrier redoutable, à moitié fabuleux du Livre Noir et de certaines poésies de la Myv. Archaeol. Et le fait est d’autant plus digne de remarque, que la note ironique y apparaît ; on y sent déjà la parodie, comme dans le morceau irlandais connu sous le nom de Festin de Bricriu, ou encore dans Cuchulain malade et alité[1].

  1. D’Arbois de Jubainville, L’épopée celt. en Irlande, pp. 80-149. On peut comparer dans Cuchulain malade (ibid., p. 179), la peinture des femmes d’Ulster et surtout celle de Cuchulainn irrité à celle de personnages grotesques de la cour d’Arthur. (V. plus bas, trad.)