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vus par personne, tout en voyant tout le monde.

Ils marchèrent jusqu’à une vaste plaine dans la quelle ils aperçurent un grand château fort, le plus : beau du monde. Ils marchèrent jusqu’au soir et lorsqu’ils s’en croyaient tout près, ils n’en étaient pas plus rapprochés que le matin. Ils marchèrent deux jours, ils marchèrent trois jours, et c’est à peine s’ils purent l’atteindre. Quand ils furent devant, ils aperçurent un troupeau de moutons, grand, sans bornes ni sans fin. Du sommet d’un tertre, un berger vêtu d’une casaque de peau les gardait ; à côté de lui était un dogue aux poils hérissés, plus grand qu’un étalon vieux de neuf hivers. Il avait cette habitude qu’il ne laissait jamais se perdre un agneau et, à plus forte raison, une bête plus grosse. Jamais compagnie ne passa à côté de lui sans blessure ou fâcheux accident ; tout ce qu’il y avait de bois sec et de buissons dans la plaine, son haleine le brûlait jusqu’au sol même. « Gwrhyr Gwalstawt Ieithoedd, » dit Kei, « va parler à cet homme là-bas ! » ― « Kei, » répondit-il, « je n’ai promis d’aller que jusqu’où tu iras toi-même. » ― « Allons-y ensemble, » dit Kei.

― « N’ayez aucune appréhension, » dit Menw [1], fils de Teirgwaedd ; « j’enverrai un charme sur le chien, de telle sorte qu’il ne fasse de mal à personne. » [2] Gwalchmei : le premier terme, gwalch, signifie faucon mâle, gwyar signifie sang. Il n’est pas inutile de remarquer que ce nom se retrouve très probablement dans le cartulaire de Redon ; le même personnage y est appelé Waltmoe et Walcmoel ; la forme qui explique le mieux l’erreur est Walc-Moei. C’est un des personnages les plus importants des Mabinogion, avec cette réserve qu’il n’apparaît pas dans les Mabinogion où il n’est pas question d’Arthur. Il a le même caractère dans les Triades que dans les Mabin. c’est un des trois eurdavodogion ou « gens à la langue dorée » ; c’est un des chevaliers de la cour d’Arthur les meilleurs pour les hôtes et les étrangers (Myv. arch., p. 393, col. 1, col. 2 ; ibid., p. 407, col. 2). Il y a un intéressant dialogue en vers, dans la Myv. arch., entre lui et Trystan ; il réussit, par sa courtoisie, à le ramener à la cour d’Arthur. Il remplit une mission analogue auprès de Peredur, dans le mabinogi de ce nom. Dans ce poème, il se dit neveu d’Arthur (Myv. arch„ p. 132, col. 1). Il n’y a pas de nom qui revienne plus souvent chez les poètes (Myv. arch., p. 278, col. 2 ; 286, col. 2, etc. ; Livre noir, Skene, p. 29, 10 ; 10, 12 : son cheval s’appelle Keincaled). C’est le Gauvain de nos Romans de la Table Ronde. Il est fils de Lloch Llawwynnyawc (le Loth ou Lot des romans français), et cousin d’Arthur. V. sur Gauvain, Gaston Paris, Hist. litt., XXX, 29-45. Un des Cymmwd de Rhos en Pembrokeshire tire son nom de lui : Walwyn’s Castle, en gallois Castell Gwalchmai (Eg. Phillimore, Owen’s Pembrok., II, p. 318, note 6).

[3] Menw, « esprit, intelligence ». La magie de Menw, qu’il avait apprise d’Uthur Penndragon, la magie de Math, fils de Mathonwy, qui l’enseigna à Gwydyon, fils de Don, et celle du Rudlwm Gorr qui l’enseigna à Koll, fils de Kollvrewi, sont les trois principales magies de Bretagne (Triades Mab., p. 302, 23 ; cf. Myv. arch., p. 390, col. 1). D’après un passage de Daf. ab. Gwilym, les trois magiciens seraient Menw, Eiddilic Corr et Maeth (sic), p. 143 (Eiddilic Corr, Wyddel call, « le Gaël subtil »). Ce Menw joue un grand rôle dans les rêveries de certains écrivains gallois contemporains. Un certain Einigan Gawr aurait aperçu, un jour, trois rayons de lumière

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