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ses prières, un fils leur naquit.

Mais du moment où elle conçut, elle devint folle et fuit toute habitation. Quant arriva le temps de la délivrance, son bon sens lui revint. Or il arriva qu’à l’endroit où le porcher gardait un troupeau de porcs, par peur de ces animaux, elle accoucha. Le porcher prit l’enfant et le porta à la cour. On le baptisa et on lui donna le nom de Kulhwch [1] parce qu’on l’avait trouvé dans la bauge d’une truie. L’enfant cependant était de noble souche et cousin d’Arthur <ref> Arthur. Le nom d’Arthur n’est prononcé ni par Gildas, ni par Bède. Il figure pour la première fois chez Nennius. Suivant l’auteur de l’Historia Britonum, Arthur était chef des guerres contre les Saxons à la fin du Ve siècle ; il aurait remporté sur eux douze victoires. Dans un autre passage qui n’appartient peut-être pas à l’œuvre primitive, il est fait mention d’une chasse au monstre appelé porcum Troit, par lui et son chien Cavall. L’Historia, dans ses parties originales, date du IXe siècle (Voir Arthur de la Borderie, l’Historia Britonum, attribuée à Nennius. Paris, 1832 ; Heeger, Die Trojanersage der Britten. Munich, 1887 ; Zimmer, Nennius vindicatus). Les Annales Cambriae, dans la partie la plus ancienne, dont la rédaction parait être du Xe siècle (elles ont été rédigées entre 954 et 955, comme l’a montré Egerton Philimore, Y Cymmrodor, IX, p. 141-189 : le manuscrit le plus ancien, le Harblian, est de plus d’un siècle plus récent), disent qu’Arthur porta la croix trois jours et trois nuits sur ces épaules, à la bataille du mont Badon, dont il est aussi question dans Gildas, et qui paraît avoir été une défaite très grave pour les Saxons. D’après ces mêmes annales, Arthur aurait péri avec son neveu et adversaire Medraut, en 537, à la bataille de Camlann. Dans l’Historia regum Britanniae de Gaufrei de Monmouth, l’histoire d’Arthur parait singulièrement grossie : il est fils d’Uther, roi des Bretons, et d’Igerna, femme du duc de Cornouailles Gorlois ; il bat non seulement les Saxons, mais les Irlandais et les Romains ; il conquiert une bonne partie de l’Europe. Son neveu Modred s’empare, en son absence, de son trône et de sa femme. Arthur réussit à le battre malgré son alliance avec les Saxons ; mais il est mortellement blessé et se fait porter à l’île d’Avallon pour soigner ses blessures. C’est de là que les Bretons d’Angleterre et de France ont longtemps attendu sa venue. L’histoire de la naissance d’Arthur, des amours d’Igerna et d’Uter, inspirées peut-être d’Ovide, comme l’a fait remarquer M. Paulin Paris (Les Romans de la Table Ronde, I, p. 48), ne sont pas uniquement dues à l’imagination de Gaufrei ; sa querelle avec Medraut, sa blessure et sa retraite à Avallon appartiennent aux traditions bretonnes, Gaufrei, pour le faire fils d’Uther, a glosé peut-être le passage de Nennius, où il est dit que les Bretons l’avaient, à cause de sa passion pour la guerre, appelé Mab Uter id est filius horribilis ; gallois moyen uthr, surprenant, merveilleux. Dans les Traditions galloises, les poésies, c’est un personnage souvent surnaturel ; les propriétés de son épée, de son manteau, rappellent celles de certains héros de l’épopée irlandaise. Il faudrait un volume pour réunir tout ce qu’on trouve dans la littérature galloise seule sur ce héros de la race bretonne. S’il a réellement existé (ce doute eût coûté la vie, au moyen âge, en pays breton), la légende lui a, à coup sûr, attribué les traits de héros ou de demi-dieux plus anciens. (Pour plus de renseignements sur la légende d’Arthur, cf. Gaston Paris, Hist. litt., XXX, p. 3 et suiv. ; San-Marte, Die Arthursage, Quedlinburg, 1842 ; John Rhys, Arthurian Legend, 1891 ; Celtic Folklore, 2 vol. 1901, passim. ; sur les nombreuses localités qui ont porté le nom d’Arthur v. Stuart Glennie. Arthurian Localities, Edinburgh, 1869).

  1. Kulhwch. C’est une de ces étymologies fantaisistes, comme on en rencontre de temps en temps dans les Mabinogion, et, en général, au moyen âge. L’auteur, décomposant le mot en kul et en hwch, a vu dans kul le mot cil, « cachette, retraite, coin, ou cul étroit, » et dans hwch le mot hwch, aujourd’hui truie, mais autrefois porc en général (cf. arm., houch, « porc »). Le nom du Kulhwch est conservé dans Tref Culhwch, près de Pencaer en Pembrokeshire (Eg. Phillimore, Owen’s Pembrok., 72. b. 322, note).