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livre que j’ai recueillie en mendiant ; donne la liberté à cet animal. » ― « Je n’en ferai rien, et je ne le vendrai pas. » ― « Comme tu voudras, seigneur ; si ce n’était pour ne pas voir un homme de ton rang manier un pareil animal, cela me serait indifférent. » Et le clerc s’éloigna.

Au moment où il mettait la traverse sur les fourches, il vit venir à lui un prêtre monté sur un cheval harnaché. « Seigneur, » dit le prêtre, « bonjour à toi. » ― « Dieu te donne bien, » répondit Manawyddan : « ta bénédiction ? » ― « Dieu te bénisse. Et que fais-tu là, seigneur ? » ― « Je pends un voleur que j’ai pris en train de me voler. » ― « Quelle espèce de voleur est celui-là, seigneur ? » ― « C’est un animal, une espèce de souris ; il m’a volé ; il aura la mort des voleurs. » ― « Seigneur, plutôt que te voir manier pareil animal, je te l’achète ; lâche-le. » ― « J’en atteste Dieu : je ne le vendrai ni ne le lâcherai. » ― « Il est juste de reconnaître, seigneur, qu’il n’a aucune valeur. Mais, pour ne pas te voir te salir au contact de cette bête, je te donnerai trois livres ; lâche-le. » ― « Je ne veux, par moi et Dieu, pour lui aucune compensation autre que celle à laquelle il a droit : la pendaison. » ― « C’est bien, seigneur, fais à ta tête. » Le prêtre prit le large.

Manawyddan enroula la ficelle autour du cou de la souris. Comme il se mettait à l’élever en l’air, il aperçu un train[1] d’évêque avec ses bagages et sa

  1. Je traduis train : le gallois rwtter est clairement l’anglais rutter (routiers) ; sur ce mot, cf. John Rhys, Arthur. Legends, p. 289, note 1. C’est un dérivé du français route, qui peut avoir le sens de troupe en marche (Chrétien, Perceval, chez Potvin, t. II, p. 207 : une route de chevaliers parmi la lande voit trespasser). Il a ici le sens collectif.