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et planta deux fourches à l’endroit le plus élevé du tertre. À ce moment, il vit venir de son côté un clerc revêtu de vieux habits de peu de valeur, pauvres. Il y avait sept ans que Manawyddan n’avait vu ni homme ni bête, à l’exception des personnes avec lesquelles il avait vécu, lui quatrième, jusqu’au moment où deux d’entre elles encore avaient disparu. « Seigneur, » dit le clerc, « bonjour à toi. » ― « Dieu te donne bien, » répondit-il, « sois le bienvenu. D’où viens-tu, clerc ? » ― « Je viens de Lloegyr, où j’ai été chanter[1]. Pourquoi me le demandes-tu ? » ― « Parce que, depuis sept ans, je n’ai vu que quatre personnes isolées, et toi en ce moment. » ― « Eh bien, Seigneur, moi je me rends maintenant, à travers cette contrée, dans mon propre pays. À quoi es-tu donc occupé, seigneur ? » ― « À pendre un voleur que j’ai surpris me volant. » ― « Quelle espèce de voleur ? Je vois dans ta main quelque chose comme une souris. Il n’est guère convenable, pour homme de ton rang, de manier un pareil animal ; lâche-le. » ― « Je ne le lâcherai point, par moi et Dieu. Je l’ai surpris en train de me voler ; je lui appliquerai la loi des voleurs : je le pendrai ». ― « Seigneur, plutôt que de voir un homme de ton rang accomplir pareille besogne, je te donnerai une

  1. 'Canu, chanter : ce passage est intéressant, il semble indiquer que les Gallois allaient chanter en pays saxon, mais canu a ausi le sens de réciter : canu y pader, réciter le pater. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un clerc.