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société sera telle que tu voudras, autant qu’il sera en mon pouvoir, tant qu’il plaira à Dieu de nous laisser dans cette situation pénible et cette affliction. » ― « Dieu te le rende », répondit-elle ; « c’est bien ce que je supposais. » La jeune femme en conçut joie et assurance. « Vraiment », dit Manawyddan, « ce n’est pas le moment pour nous de rester ici : nous avons perdu nos biens, il nous est impossible d’avoir notre subsistance. Allons en Lloeger[1], nous trouverons à y vivre plus facilement. » ― « Volontiers, seigneur, » répondit-elle ; « suivons ton idée. »

Ils marchèrent jusqu’en Lloegyr. « Quel métier professeras-tu, seigneur ? » dit-elle. « Prends-en un propre. » ― « Je n’en prendrai pas d’autre », répondit-il, « que la cordonnerie, comme je l’ai fait auparavant. » ― « Seigneur, ce n’est pas un métier assez propre pour un homme aussi habile, d’aussi haute condition que toi. » ― « C’est cependant à celui-là que je me mettrai. » Il se mit à exercer sa profession ; il se servit pour son travail du cordwal le plus beau qu’il trouva dans la ville. Puis, comme ils l’avaient fait ailleurs, ils se mirent à fermer les souliers avec des boucles dorées ; si bien que le travail des cordonniers de la ville était inutile ou de peu de valeur auprès du sien. Tant qu’on trouvait chez lui chaussure ou bottes, on n’achetait rien aux autres. Au bout d’une année de

  1. Dans les formes Lloegyr ou Lloeger, y et e sont de simples voyelles de résonance et n’ont rien d’étymologique.