Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femme que pour une seule raison : c’est qu’elle n’avait pas d’enfant. Or, je lui en connais un. Je ne me séparerai donc pas d’elle. Si elle a mal fait, qu’elle en fasse pénitence. » Riannon fit venir des docteurs et des sages, et lui parut plus digne d’accepter une pénitence que d’entrer en discussion avec les femmes. Voici la pénitence qu’on lui imposa : elle resterait pendant sept ans de suite à la cour d’Arberth, s’asseoirait chaque jour à côté du montoir de pierre qui était à l’entrée, à l’extérieur, raconterait à tout venant qui lui paraîtrait l’ignorer toute l’aventure et proposerait, aux hôtes et aux étrangers, s’ils voulaient le lui permettre, de les porter sur son dos à la cour. Il arriva rarement que quelqu’un consentît à se laisser porter. Elle passa ainsi une partie de l’année.

En ce temps-là, il y avait comme seigneur à Gwent Is-coed[1] Teyrnon Twryv Vliant[2]. C’était le meilleur homme du monde. Il avait chez lui une jument qu’aucun cheval ou jument dans tout le royaume ne surpassait en beauté. Tous les ans,

  1. Gwent s’étendait depuis l’Usk jusqu’au pont de Gloucester (Iolo mss. p. 86), et se divisait en trois cantrevs : Gwent is coèd, ou « plus bas que la forêt ; » Gwent uch coed, ou plus haut que la forêt, et cantrev coch, ou « le rouge, » appelé aussi cantrev coch yn y Dena, ou « dans la forêt de Dean » (Myv. arch., p. 137). Gwent comprenait donc le Monmouthshire ; une partie du Ilerefordshire et du Gloucestershire. Le nom de Gwent vient de Venta (Venta Silurum).
  2. Teyrnon est un dérivé de Tiern, = vieux celtique Tigernos, « chef de famille, chef. » (Pour les dérivés armoricains, voy. Annales de Bretagne, 1887, t. II, p. 422. Cf. Rhys, Lectures on welsh. Philology, 2 édit., p. 33.) Twryf signifie bruit ; vliant est pour bliant, nom d’une étoffe dont il est souvent question dans les Mabinogion, sorte de toile fine ou de batiste. La forme bliant est insulaire ; en vieux français, c’est bliatt ou bliaut. On trouve en vieil anglais blihant, blihand et plus récemment, bleaunt. Le mot désigne, d’après Murray (a new engl. Dict.) une tunique ou vêtement de dessus, et aussi une étoffe de prix pour la confection de ce vêtement. Ce surnom bizarre vient d’une erreur du scribe (v. plus haut. Introd. ; cf. John Rhys, Arthurian Legend p. 283) ; il faut lire Twryv Liant, bruit des flots.