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NUIT DE VEILLE




Ma mère était très mal ; nous habitions alors en province un grand pavillon Louis XIII situé un peu à l’écart de la ville. Flanqué d’un avant-corps, il dressait ses hauts toits d’ardoises au fond d’un grand jardin aux cimes bruissantes ; le vent de la mer ne les laissait jamais immobiles, et, sous ce perpétuel assaut, sapins, marronniers et bouleaux avaient fini par s’incliner dans la direction de la vallée, un paysage charmant qui portait un nom plus charmant encore : Fécamp. Au-delà d’un pont que venaient baigner deux fois par jour les eaux de la mer, c’étaient le clocher de Saint-Étienne et les toits de la ville ; une grande route longeait la propriété, et nous avions beau être clos de grands murs, ce vieux domaine aux frondaisons éternellement frémissantes n’en est pas moins resté une des terreurs de mon enfance ; je m’y sentais trop seul, trop loin du mouvement pourtant bien accalmi