Page:Lorrain - Sensations et Souvenirs, 1895.djvu/236

Cette page n’a pas encore été corrigée

un luxe d’ameublements et de tentures bizarre, luxe de sorcellerie ou tout au moins d’hystérie pure. On n’en parlait d’ailleurs que d’après les furtifs regards coulés par les fenêtres ouvertes, car personne dans le pays, pas même les fournisseurs, ne pénétrait dans Dolmancé ; Dolmancé, le nom désormais inscrit en lettres noires sur la porte charretière de ce lieu de mystère. Dolmancé, j’abandonne à vos appréciations, messieurs, le choix de ce nom pour une villégiature ; nous avons tous lu ou du moins essayé de lire l’œuvre du divin marquis.

" C’était, paraît-il, entre autres merveilles, dans une longue, étroite et haute pièce tendue de soie violâtre, un squelette d’enfant ailé, comme un Eros, au crâne ceint de myrte, voilé de gaze noire et ricanant, debout, au milieu d’un taillis de lauriers-roses en fleur. Dans une autre salle, celle-ci nue comme une allée de catacombes, un buste de bronze vert aux yeux d’argent bruni incrustés d’une émeraude, tête de femme Renaissance aux regards de pierreries, émergeait d’un flot de clair brocart et de bruissantes étoffes avec, sur le front, un hennin.

" Ailleurs, une cire peinte aux yeux inanimés, aux lèvres entrouvertes, chef de sainte décapitée, saignait, accrochée à la muraille au-dessus d’un large bassin de cuivre débordant de lys rouges, comme d’une floraison de sang ; autre part enfin,