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si féconde en amusantes surprises, combien je préférais une promenade à l’aventure, seul, sans personne, dans ce grand parc dont les interminables pelouses m’apparaissaient mystérieuses et comme baignées d’une clarté de rêve entre leurs hauts massifs de peupliers, de hêtres et de bouleaux ; et certains rideaux de trembles dorés se dressant en quenouilles sur le bord de l’étang, j’en aimais, non sans une certaine étreinte au cœur, le feuillage éternellement inquiet. Un kiosque à vitraux de couleur à demi enfoui parmi les oseraies d’une île artificielle m’attirait aussi, comme fasciné, au bord des eaux tranquilles, et c’était, dans la petite barque attachée à la rive, de longues heures de songeries, étendu sur le dos, les bras repliés derrière la tête et les yeux suivant la fuite des nuages de ce ciel clair et profond de pays d’étangs.

Oh ! la torpeur ensommeillée et le silence bourdonnant d’insectes des chaudes journées de juillet dans ce coin de parc accablé, tous les hôtes du domaine retirés dans leurs chambres fraîches, avec, de temps à autre, le bruit monotone d’un râteau criant sur le sable des allées ; et, aux premières rouilles de septembre, la chute des feuilles des platanes, transparentes et jaunes comme de l’ambre, sur l’étain figé des pièces d’eau ! Comme tout cela est loin et m’est présent encore, et combien de tout cet hier je voudrais faire l’emploi de mes lendemains.