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la haute salle ; par les vitres cassées des ogives le clair de lune aveuglait ; alors une horreur me prenait au milieu de tous ces êtres creux aux vaines apparences, un doute affreux m’étreignait le cœur devant tous ces masques vides.

Si moi j’étais semblable à eux, si moi aussi j’avais cessé d’exister et si sous mon masque il n’y avait rien, rien que du néant ! Je me précipitai vers une des glaces. Un être de songe s’y dressait devant moi, encapuchonné de vert sombre, masqué d’argent, couronné de lys noirs.

Et ce masque était moi, car je reconnus mon geste dans la main qui soulevait la cagoule et, béant d’effroi, je poussai un grand cri, car il n’y avait rien sous le masque de toile argentée, rien dans l’ovale du capuchon que le creux de l’étoffe arrondi sur le vide, j’étais mort et je…

«  Et tu as encore bu de l’éther, grondait dans mon oreille la voix de de Jakels. Singulière idée pour tromper ton ennui en m’attendant.  » J’étais étendu au milieu de ma chambre, le corps glissé sur le tapis, la tête posée sur un fauteuil, et de Jakels, en tenue de soirée sous une robe de moine, donnait des ordres fébriles à mon valet de chambre ahuri ; sur la cheminée les deux bougies allumées, arrivées à leur fin, faisaient éclater leurs bobèches et m’éveillaient… Il était temps.