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aux badigeonnées d’un épais enduit jaunâtre, où s’enlisaient les fleurs sculptées des chapiteaux.

Étrange bal, où l’on ne dansait pas et où il n’y avait pas d’orchestre. De Jakels avait disparu, j’étais seul abandonné au milieu de cette foule inconnue. Un ancien lustre en fer forgé flambait haut et clair, suspendu à la voute, éclairant des dalles poudreuses, dont certaines noircies d’inscriptions recouvraient peut-être des tombeaux. Dans le fond, à la place où certainement devait régner l’autel, des mangeoires et des râteliers couraient à demi-hauteur du mur et c’était dans les coins des tas de harnais et de licols oubliés ; la salle de bal était une écurie. Çà et là de grandes glaces de coiffeur encadrées de papier doré se renvoyaient de l’une à l’autre la silencieuse promenade des masques, c’est-à-dire qu’elles ne se la renvoyaient plus, car ils s’étaient tous maintenant assis, rangés immobiles des deux côtés de l’église, ensevelis jusqu’aux épaules dans les anciennes stalles du chœur.

Ils se tenaient là muets, sans un geste, comme reculés dans le mystère sous de longues cagoules de drap d’argent, d’un argent mat au reflet mort ; car il n’y avait plus ni dominos, ni blouses de soie bleue, ni Arlequins ni Colombines, ni déguisements grotesques, mais tous ces masques étaient semblables, gainés dans la même robe verte d’un vert blême comme soufré d’or, à grandes manches noires, et tous encapuchonnés de vert sombre avec,