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inon plus spacieuse et plus nette, d’un troquet de barrière, dont le commerce irait bien. «  Surtout pas un mot à qui que ce soit, ne parlez à personne et répondez encore moins, ils verraient que vous n’êtes pas des leurs, et nous pourrions passer un mauvais quart d’heure. Moi, l’on me connaît  », et de Jakels me poussait dans la salle.

Quelques masques y buvaient, disséminés. À notre entrée, le maître d’établissement se levait et pesamment, en traînant les pieds, venait au-devant de nous comme pour nous barrer le passage. Sans un mot, de Jakels soulevait le bas de nos deux dominos et lui montrait nos pieds chaussés de fins escarpins ! c’était le Sésame, ouvre-toi ! Sans doute de cet étrange établissement ; le patron retournait lourdement à son comptoir et je m’aperçus, chose bizarre, que lui aussi était masqué, mais d’un grossier cartonnage burlesquement enluminé, imitant un visage humain.

Les deux garçons de service, deux colosses velus aux manches de chemise retroussées sur des bras de lutteurs, circulaient en silence, invisibles, eux aussi, sous le même affreux masque.

Les rares déguisés, qui buvaient assis autour des tables, étaient masqués de satin et de velours, sauf un énorme cuirassier en uniforme, sorte de brute à la mâchoire lourde et à la moustache fauve attablé auprès de deux élégants dominos de soie mauve, et qui buvait à face découverte, les yeux