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pour la poésie de leur course lointaine au-dessus des cités, des mers et des détroits et aussi pour les beaux œufs de Pâques, teints de violet, de bleu, pâle et de rose vif, qu’elles semaient, de ci, de là, dans les plants de salades et les bordures de buis des jardins de la ville, en passant, la nuit de leur retour, au-dessus des logis endormis.

Le jardin de ma grand’mère était particulièrement favorisé par les cloches de l’église Saint-Étienne, notre paroisse : j’y avais été baptisé. C’est pourtant à l’Abbaye que ma famille m’emmenait entendre l’office du dimanche, à l’Abbaye, située plus au centre de la ville et par cela même plus commode pour les courses après la messe et les commandes aux fournisseurs ; mais nous suivions les vêpres à Saint-Étienne, et les beaux œufs rougis de carmin ou bleutés comme des œufs de geais, les œufs merveilleux que, le matin de Pâques, vite au sortir de l’office, je courais dénicher un à un sous les feuilles du jardin de ma grand’mère avec des cris de joie presque sauvages, ces œufs étaient, on avait bien soin de me le dire, l’offrande et le cadeau des cloches paroissiales. Ces vieilles cloches fêlées de Saint-Étienne n’avaient-elles pas, en bonnes fées marraines, sonné à ma naissance, carillonné à mon baptême, ne chanteraient-elles pas à ma première communion et ne me consoleraient-elles pas de leur suprême glas à l’heure venue du trépas, quand je