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Tant qu’elle aura ces yeux, tous les hommes du Nord, tous les êtres de passion et de rêve, Slaves ou Danois, Suédois ou Russes, tous, tous l’aimeront… »

Et comme tous se récriaient, Michel Stourdof prévenant leur demande : « Les yeux de Nelly ont le philtre suprême, le philtre de la mort, l’attraction du Néant ; c’est le charme d’oubli qui dort en son regard et, étant l’endormeuse, elle est par excellence la maîtresse adorée, car elle est magicienne, et cela n’est point parce que son œil est bleu, couleur du rêve, du ciel et de l’Océan : cela est quelque chose, certes, et sans cette couleur primordiale et céleste, les prunelles de Nelly ne posséderaient pas ce qui vit et songe en elles maintenant ; mais elles ont plus : il y persiste le regard d’adieu d’une agonie, il y pleure et survit la prière d’amour éternellement jeune d’un amant mort en la regardant. » Et comme tous échangeaient de muets coups d’œil, croyant à un coup de folie, sinon à une mystification, Michel Stourdof poursuivait : « Une légende de mon pays veut que l’âme de l’amant mort en regardant sa maîtresse revive dans les yeux de celle-ci, et lui donne l’éternelle jeunesse dans les désirs des autres