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goujats. Va, chante ta romance, poursuivait Chauchat et, s’appuyant familièrement sur le bras du Slave : « Voyons, vous qui les avez vus, qu’avaient-ils donc, ses yeux ? »

— Ses yeux, mais ils sont bleus, d’un bleu vert un peu pâle. La mer, quand elle est grosse et moutonne, a cette teinte de bleu, un bleu un peu verdâtre. Baudry, votre grand peintre, avait cette teinte de bleu quand il peignait les vagues, ces vagues où il met, ruisselants d’écume, des corps de femmes si savoureusement blancs. Nous aimons beaucoup sa peinture en Russie. Nelly avait ces yeux.

— Des yeux glauques, soulignait Fontenay.

— L’œil de la Néréide, appuyait Saluces.

— Des yeux de Loreley, résumait le Slave, Loreley, la ballade de Schiller, vous connaissez en France ?

À quoi Chauchat bon enfant et modeste :

— Gœthe aussi vaguement.

— Mais ces yeux, voyez-vous, ils ont maintenant autre chose, un charme à eux, comme un pouvoir que vous autres Français bravez probablement, mais dont les hommes de mon pays seront toujours esclaves. Nelly Forah n’est plus très jeune, mais elle peut impunément vieillir.