Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je n’ai jamais compris, moi, quel piment on pouvait trouver à cette femme ! Je l’ai toujours connue anguleuse et plate, un teint de morte et pas plus de hanches que sur le dos de ma main : Une pareille maîtresse, et elle était jeune alors mais j’aurais autant aimé une anguille.

— Eh ! eh ! Fontenay, ne dites point de mal des anguilles, leur souplesse a du bon.

— Vous êtes un vicieux, Chauchat, nous le savons ; mais, pour les gens honnêtes, à goûts avouables et reconnus par la loi, le mérite d’une femme est d’être vraiment femme et non de rappeler je ne sais quelle équivoque de sexe ou de poisson.

— Vous avez beau dire, des malins qui vous valaient bien, messieurs, n’en ont pas moins croqué des patrimoines pour sa taille plate, à Nelly Forah, et à l’heure qu’il est, essayez donc de prouver au petit attaché de l’ambassade russe qui l’accompagne, que son idole a passé l’âge des adorations.

— Bah ! reprenait Fontenay, qu’est-ce que cela prouve ? Tous les pays ont leurs fous, et puis les femmes et l’amour, moi, je suis là-dessus de l’avis du poète :