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dans le plus mauvais livre, le plus cruel et le plus dangereux du dix-huitième siècle, et dont le mélancolique et doux souvenir fait de grands arbres, d’eaux de source et de lentes et silencieuses promenades sous des chemins couverts au bord d’un étang, où nageaient des cygnes, s’est toujours confondu dans ma mémoire avec les chromo-lithographies romantiques, lacs d’Écosse entourés de forêts et châteaux d’outre-Rhin dominant des vallées, des morceaux de musique traînant il y a vingt ans sur le piano de ma mère ! Comment me suis-je échoué là, dans ce petit bourg ignoré de Normandie et si proche d’un pays que je hais, en compagnie de cette folle et joyeuse miss Holly.

Elle n’a pourtant rien de l’autre, celle-là, avec son profil heurté au nez trop court, son œil bleu un peu saillant où n’a jamais passé une ombre de tristesse. Oh ! non, elle n’a rien de l’autre avec ses épaules carrées de garçon, sa silhouette d’androgyne et l’éclat insolent de son teint épanoui comme une fleur de sang.

Et je suis venu pourtant passer deux jours avec elle dans ce petit coin poétique et démodé au titre de romance, et cela pour l’avoir vue, grande et découplée comme un novice dans son