Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

robe d’organdi bleu pâle, elle avait surgi devant la grille du vieux parc… presque surnaturelle en vérité, tant elle semblait lumineuse, plus claire que la lumière elle-même de cette chaude journée d’été avec ses cheveux soyeux en nimbe sur son front, son teint de lait presque trop blanc et le sourire inaccoutumé de sa bouche. Ce sourire démenti ce jour-là, comme toujours hélas ! par le rêve attristé de ses grands yeux profonds et bleus, mais combien déjà confuse et brouillée cette vision ! Et de cette inoubliable journée, suivie d’une soirée plus inoubliable encore, j’ai beau faire, je ne puis rien tirer, rien évoquer ; ma mémoire est engourdie, mes souvenirs absents, en allés… où ! je ne puis le dire, et de ce passé obstrué de fumée, de cette journée dont toutes les minutes ont vécu jadis rythmées aux sourds battements de mes artères et martelées par le sang de mon cœur, je n’ai rien conservé qu’une impression de bien-être accablé dans la chaleur et les grandes herbes immobiles, sous un ciel implacablement bleu, au fond d’un parc à l’abandon, comme endormi de vieillesse et de fatigue heureuse au milieu de cette campagne.

Si, un détail me revient : on entendait un