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ans et la santé débordante de joie de son fils, un petit garçon que j’ai connu frêle et délicat. Madame B… est embellie, jamais je ne l’ai vue si fraîche. Un très beau gars aux yeux d’un bleu profond et doux, deux yeux qui m’en rappellent d’autres, l’accompagne. Son cousin, dit-elle, ici on chuchotte : son amant. Que m’importe ! Ils sont tous deux jeunes, agréables à regarder et donnent une sensation de bonheur partagé et de destins accomplis. Madame B… m’a reconnu de suite et y a mis de la complaisance, car Dieu sait si je suis changé ! Avec son instinct de femme elle a deviné mon chagrin ; la pitié qu’elles ont toutes pour les choses d’amour l’a sans doute avertie, elle m’a présenté au cousin, fait embrasser son fils et m’a emmené avec eux à la campagne ; nous nous sommes donc empilés à quatre dans une voiture découverte et nous voilà partis.

Ici, il faut l’avouer, la campagne est merveilleuse, les récoltes encore sur pied mettent sur les plateaux une houle verte de seigles frissonnants et de bruissantes avoines, d’où les grands arbres des fermes émergent en îlots ; ici les blés sont encore verts, ils sont mûrs aux environs de Paris.