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28 Juin. Saint-Phaland-en-Caux. — Sous mes fenêtres un grand terrain vague, semé çà et là de plates-bandes, un semblant de jardin planté de géraniums, où broute une chèvre attachée au piquet, des baraquements et puis des baraquements, plus loin de vieilles palissades et, suspendu au balcon d’un chalet à tourelle hexagone, cet écriteau : Villa Casino ; au-dessus de tout cela poudroie un ciel d’un bleu intense, coupé dans le bas par une bande d’un bleu dur, comme un pavage de lapis dressé sur l’horizon : la mer.

La plage est déserte : dans le terrain vague, propriété de l’hôtel, deux vieilles anglaises en robe d’Oxford se promènent mélancoliques, l’une, un pliant sous le bras, l’autre abritée sous une large ombrelle verte, accompagnées toutes deux d’un gentleman imbécile en complet moutarde depuis le pantalon jusqu’à la casquette de voyage ; ce sont, avec moi, les seuls voyageurs descendus dans l’hôtel ; le Casino n’ouvrira que le quinze juillet. Le quinze juillet, pas avant, les baraquements se transformeront en boutiques, étalant à leurs devantures leurs pacotilles de galets peints et de coquillages ; le quinze juillet seulement, l’écri-